Interdit de laver sa mobylette isi (C)
Bruits de chair
Anne Cillon Perri
I
Au plus abrupt du dominant aujourd’hui
Une bouche hystérique et luxurieuse
S’ouvre comme le con d’une nonne
Et se laisse pénétrer âprement
Par-dessus un vieux thalweg
Un amour apyre s’invente
Une nouvelle résistance
Et s’oublie dans la visitation d’Éros
La rue spécule tout le temps
Au cœur d’une forêt ocre
Chaque femme a dans la tête
Quelque chose d’un oiseau
Le jour se lève à nouveau
Avec un maquillage étonnant
Et fait ses adieux à la bande de Douala
Au fond d’une déchirante détresse
II
A l’ombre stimulant des mangliers
Le village se donne de sage un visage
Et organise sa survie
En glosant sur la séparation prochaine
Des oiseaux malhonnêtes offrent
Leurs culs à une cour de récréation
Il faut montrer patte blanche
Pour faire partie de ce cénacle
Un pied lourd comme une mamelle
Répète des bruits de chair stridents
Son orteil est un œil qui s’émerveille
Près d’un buisson sanglotant
Dans la nef d’une église menaçant ruine
Une vie étonnante perdure malgré tout
Elle simule un accent circonflexe
Tandis qu’une main lui germe de la figure
III
La mangrove répète le songe
En disant clairement ses soifs
Comme les enfants de Djébalè
Dans la complicité du fleuve
Face à la bigarrure de la rue
Une tête auréolée d’une crête
Et une jambe coupée on eût dit à la hache
Se mêlent les pédales
Une vie révoltante dicte sa morale
Et fixe d’autorité le violent taux
Par lequel se réescompte l’espoir
Dans la galère du quotidien
A force de touiller ses couilles
Au fond d’un tableau de Yamguen
Crypté tel un mot de passe
Un gracieux salaud saborde le futur
IV
Trois ou six bustes de femmes
S’envolent on dirait oiseaux de proie
Leurs becs durs comme des armes
Accumulent toute la chaleur de la couleur orange
Étrange agglomération
Qu’un bal de baleines et de phalènes
En marge de ce chemin de croix
Qui ne fait que commencer
Avec un œil sur le nez et une bouche vulvaire
Un idiot orgueilleux regarde dans les yeux
Une fleur fanée aux gros nichons
Tous les fonds sont jaunes et le bleu très pur
Une forte ensellure inscrit son humeur versatile
Dans le profil fleuri d’une fille surprenante
Dont la terrible habitude de mutisme
Affûte le mystère comme souventefois la vie
V
Un prince maya sourit à une branche d’églantine
Soudain son regard devient une flèche
Sur laquelle marche un oiseau rare
Quelle rage de fauve
Avec une tête orchidacée et hirsute
Une donzelle se cache le visage devant Bruno
Comment résister à son manteau pourpre
S’exclame le français
Cette fille a une fleur à la place du cœur
Et un œil tout près du bec
C’est cela le propre des femmes
Leurs bouches racontent tout ce qu’elles voient
Une étrange mélancolie torture les poètes
À la veille d’une vaste déchirure
Cette brune eau essarte la bonne syntaxe
Et trempe la ville on dirait dans le deuil
Yaoundé, l’Assoumière, Loge poétique, 16 Juillet 2007
Demain suite et fin...